Employer des mots qui ne figurent pas dans le dictionnaire

TEXTE COMPLET

Est-ce un problème d’employer des mots qui ne figurent pas dans le dictionnaire ?

Remise en contexte

Lorsqu’on utilise des mots qui n’apparaissent pas dans le dictionnaire courant, on se voit parfois opposer l’argument suivant : “Ce que tu dis n’a aucun sens. La preuve : le mot que tu emploies n’est même pas dans le dictionnaire !”

Pourquoi cet argument est invalide

Les usages précèdent toujours l’évolution du contenu linguistique du dictionnaire. Il ne peut logiquement pas en être autrement : le dictionnaire n’a pas d’existence autonome.

Qu’il soit descriptif ou normatif, son contenu dépend donc des usages, des évolutions de la société, et connaît des changements avec le temps. Les découvertes scientifiques et les avancées technologiques, les progrès moraux, les modes, les pratiques culturelles, sportives ou ludiques, les volontés politiques – entre autres – exercent une influence sur son contenu. Voici quelques exemples de mots ayant intégré les dictionnaires français au fil de l’histoire (les dates sont variables selon les éditions) :

– Antispécisme (2020)
– Sentience (2020)
– Écomatériau (2019)
– Covoiturer (2017)
– Végane (2016)
– Conspirationniste (2012)
– Malbouffe (1999)
– Précarité (1995)
– Négationnisme (1990)
– Droïde (1988)
– Minitel (1980)
– Homophobie (1977)
– Sans-papiers (1975)
– Machisme (1971)
– Hypermarché (1970)
– Contestataire (1968)
– Intox (1966)
– Spationaute (1962)
– Informatique (1962)
– Alcootest (1960)
– Big bang (1956)
– Contraceptif (1955)
– Décolonisation (1952)
– Science-fiction (1950)

Tous les mots qui y sont présents aujourd’hui ont, logiquement, été absents du dictionnaire courant à une époque. Cela ne dit rien de l’existence des phénomènes qu’ils décrivent : l’hostilité et les discriminations exercées envers les personnes homosexuelles, par exemple, existaient bien avant l’intégration du mot “homophobie” dans le dictionnaire.

La présence ou l’absence d’un mot dans le dictionnaire courant ne dit rien de sa pertinence ou de sa validité argumentaire.